Cela c’était avant

La façade ouest et la distribution des étages dessinées par Monsieur Millon de Villeroy .

plan

Mes nouveaux « châtelains »sont là depuis deux jours et après m’avoir

 

  • flatté pendant des semaines,
  • visité chaque fois avec de nouvelles personnes (des artisans qui pourraient me refaire une beauté si j’ai bien entendu)
  •  indiqué hier que le démontage soigneux de mes parquets était indispensable pour mon avenir

 

je m’étais habitué à ces délicates visites qui ont rompu la monotonie du silence qui m’avait envahi depuis trois ans. A les voir monter descendre, dans mes entrailles, recommencer pour constater qu’ils avaient inversé dans leur mémoire les pièces, leur destination leurs possibilités. Pousser un volet, s’extasier sur mon jardin, essayer de distribuer mes futures nouvelles fonctions. Je me sentais proche de revivre.

 

Je les entendais échanger :

 

  • ici une suite, ici un gîte et là la loge
  • Mais non la cuisine ne sera pas accessible sans passer devant les clients comment vais-je prendre mon ptit-dej..
  • Ok on inverse les salons
  •  non on fait un couloir avec des claustras pour garder le jour
  • OK mais alors que fait-on pour la lingerie…
  • oui mais regarde, la salle de bain de la suite est borgne,
  • dans l’autre sens l’escalier va gêner
  • etc…

 

A chaque départ ils étaient persuadés détenir la solution future.

 

A peine je les voyais revenir, que j’entendais de nouvelles idées. Après s’être désolés de constater que des chenapans s’en prenaient à mes carreaux, mes volets, mes lustres entre les visites, ils recommençaient et si…et si…

 

Encore hier je les sentais indécis. Comme souvent, ils disent attendre la proposition de leur ami, vont dans le parc envisager de m’adjoindre une aile supplémentaire, évoquer une piscine… Alors j’ai décidé de continuer à vivre tranquillement en me disant que l’avenir m’a toujours apporté de nouvelles joies. Optimiste, comme eux, c’est comme cela que je me suis préparé à les accueillir pendant six siècles.

 

Mais aujourd’hui j’ai été surpris. Bruno est seul. A peine est-il monté dans les étages que j’entends des grincements de clous que l’on arrache, des craquements de vieilles planches, qui se déplacent. C’est vrai qu’elles surprenaient. Ces vieux volets assemblés de façon surprenante pour délimiter le « débarras Magon », comme mes anciens propriétaires avaient l’habitude de l’appeler. D’un seul coup une de mes fenêtres du grenier s’ouvre, j’en profite pour laisser s’enfuir cette poussière qui ne me permet pas de bien voir ce que Bruno fait. Cette poussière est vraiment bruyante, mais non ce sont les planches qui s’enfuient par la fenêtre… Bruno empile près de trois mètres cubes de bois devant mon entrée, je les vois. C’est vrai qu’elles avaient mauvaises allure, avec ces traces de peintures de toutes les couleurs. Peut-être reverrai-je le tas côté cuisine ? Pour me réchauffer cet hiver, mais l’autre tas d’aggloméré poussiéreux, côté salon, peut rejoindre la déchetterie, il ne me manquera pas.

prems

Manifestement Bruno déborde d’énergie accumulée ces derniers mois, pourtant je le sens  très soucieux de mon confort. Il n’a pas tapé comme une brute, comme je l’ai déjà tant vu. Il à désolidarisé une à une toutes ces planches de mon toit sans le faire bouger. Merci, car comme il a pu le constater le temps m’a déjà déplacé les lucarnes qui portent tout juste sur les poutres maîtresses. Je suis confiant je l’ai entendu le penser. Il va avec le charpentier faire ma révision des six siècles, faire le nécessaire pour que je puisse parler à vos arrières- arrières- arrières- arrières…petits enfants.

Ma spécialité !

Mes futurs plans ne sont pas encore dessinés mais manifestement mon deuxième étage va changer, dès que je sais comment je vous tiens au courant.

 

LE CHÂTEAU DES FONTENELLES